TF1, la chaîne d'État

Retranscription d’un article trouvé dans une revue belge début 2007.
Les amis de Sarkozy aux plus hauts postes de la première télé française ou quand la liberté d’expression n’est plus qu’un leurre.

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Publié le 27 janvier 2008


img > Logo TF1-UMP Le Canard enchaîné du 16 janvier l’affirme : Nicolas Sarkozy (UMP) veut supprimer la publicité sur les chaînes publiques pour filer un coup de main à son copain Martin BouyguesNote1, patron de TF1. En cause, une année 2007 difficile pour la grande chaîne privée. Les Télévisions Numériques Terrestres (TNT), petite révolution permettant aux utilisateurs de capter de nombreuses chaînes gratuitement, sont en grande partie responsable de sa déconfiture.
Rappelons qu’à la tête de TF1 se trouve, depuis juin 2007, Laurent Solly, ancien chef de cabinet du Président français, et désormais numéro deux de la chaîne, selon Le Point, après Nonce Paolini, directeur général. Sarkozy a avancé ses pions. Mais tous les journalistes de TF1 ne sablent pas le champagne, comme l’ont fait Claire Chazal et Patrick Poivre d'ArvorNote2 le jour de l’accession au pouvoir du petit Nicolas...

Patrick Le Bel (pseudonyme recouvrant un collectif de salariés) publie chez Panama «Madame, Monsieur, Bonsoir... Les dessous du premier JT de France». On y apprend que Claire Chazal se préoccupe davantage de son décolleté et de ses manucures que du contenu de son journal. Que l’inaccessible PPDA est un tyran ne supportant ni contradiction ni contrariété. Que, le cas échéant, il licencie sans lever les yeux. Que le jeunisme n’est pas un vain mot et que seules les vedettes s’en sortent sans trop de mal à coups de Botox et d’implants capillaires. Que les physiques ingrats sont de toute façon proscrits à l’antenne. Que l’infantilisation, la caporalisme, les cadences y sont infernaux. Que les dépressions sont nombreuses, mais l’omerta de mise. Et que les journalistes ont l’impression d’être devenus des numéros, et non plus de spécialistes de l’information.

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Laurent Solly & son patron, Nicolas Sarkozy


Copinage politiques

Plus révoltant encore. A l’issue des dernières présidentielles, le 6 mai 2007, « ce n’est pas la fin des élections que l’on fête au champagne dans les salons réservés VIP, c’est l’élection de Nicolas Sarkozy ». « Sur le plateau, Claire (Chazal) et Patrick (PPDA) ont voulu également se joindre à la fête et n’ont pas attendu le 20h pour déboucher le champagne, sous le nez de dizaines de techniciens éberlués par autant d’indécence », explique Patrick Le Bel. Qui poursuit : « C’est ainsi qu’une coupe oubliée sur le pupitre de Claire apparaît à l’écran... En régie, Robert (Namias, directeur de l’info) hurle : « Virez-moi cette coupe tout de suite ! » Trop tard. Des appels au standard. »

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Patrick Poivre d'Arvor & Claire Chazal. Le couple infernal ?


Les auteurs confient aussi que Sarkozy n’a jamais hésité à empoigner son téléphone pour tancer les dirigeants de la chaîne. En août 2006, il est toujours ministre de l’Intérieur quand il appelle Étienne Mougeotte. « Éructant, le ministre de l’Intérieur n’en peut plus de voir les sans-papiers de Cachan, femmes et enfants entassés dans un hangar, émouvoir la France tous les soirs. Un nouveau sujet sur Cachan est diffusé pour rétablir l’équilibre. La rédaction lève le pied sur les sans-papiers. »

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Jacques Chirac & PPDA, l'ami des présidents


Seul pour défendre l’indépendance de la chaîne

Quelques semaines plus tard, quand Sarkozy est invité au Club de l’Info, il apostrophe publiquement le rédacteur en chef du journal incriminé : « C’est une honte d’avoir laissé passer ce sujet... - Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un homme politique, réplique le journaliste. Le ton monte. D’un air gêné, les dirigeants de la chaîne s’éclipsent, laissant leur salarié défendre seul l’indépendance de la chaîne - et Dieu sait qu’il y a du travail. »
« Le fils de Jean-Louis Debré (UMP, comme Sarkozy...) a été embauché pour devenir directement numéro deux du bureau de Washington », écrit encore Patrick Le Bel. Alors que plusieurs journalistes expérimentés de la chaîne avaient posé leur candidature. « Libération s’est fait l’écho de notre mouvement d’humeur. Robert (Namias) a la liste des conspirateurs, on paiera tous l’addition. »
« Allô Robert, on a un scoop sur le frère de Rachida Datti (ndlr : deux frères cadets de Rachida Datti, ministre de la Justice, font l’objet d’une procédure judiciaire pour trafic de cannabis) ! Il a accepté de nous recevoir, on a une superbe interview ! » Il ne passera jamais à l’antenne. On ne touche pas à la « sœur » de Cécilia.
Dans la grande tour de verre de Boulogne-Billancourt, il n’y a plus aujourd’hui de Société des journalistes. Et Nicolas Sarkozy y chez lui, enfin chez son meilleur ami...

Jean-Marc Melen, Télépro n°2812 du 24 janvier 2007

img > Tour TF1

Le siège de TF1, à Boulogne-Billancourt




À lire

«Madame, Monsieur, Bonsoir... Les dessous du premier JT de France»,
Patrick Le Bel, Éd. Panama, 17 €, ISBN 978-2755703276.

Notes

  1. Témoin du second mariage de Nicolas Sarkozy et parrain de son fils Louis.
  2. Un exemple de la déontologie du journalisme selon PPDA.
    À noter que France 2 n'est pas en manque de désinformation avec David Pujadas.

Commentaires

Tous ces propos sont-ils vrais? Il se peut qu'une fausse interprétation induise tout le monde en erreur. Je trouve surtout choquant la désignation d'un personnage politique à un poste alors que des techniciens beaucoup plus compétents sont présents. C'est ce qui fait que la qualité des services régresse. Mais l'indépendance des médias est également très importante. Ce sont les médias qui transmettent l'information. S'ils ne sont pas indépendants, les politiciens joueront avec les informations, au détriment de nous citoyens.

Ouh là, on ressort de vieux dossiers

Je ne peux pas affirmer que tous ces propos soient véridiques à 100%, je n'y étais pas. Mais je ne serais pas étonné que ce soit le cas.
La presse de nos jours, au mieux, nous informe de ce qu'elle veut bien, au pire, elle est téléguidée. J'ignore si c'est le cas en France, mais en Belgique (du moins dans la partie francophone), les rédacteurs en chef et les journalistes sont clairement étiquetés, et souvent à gauche. Et ils ne s'en cachent même pas. Quant à la télévision publique, elle est sous tutelle politique.
A partir de ces éléments, croire en une presse indépendante est plus que de la naïveté... Et comme vous le dites, ce n'est certainement pas à notre bénéfice.

Pour aller un peu plus loin sur le sujet, je tombe à l'instant sur un article annonçant qu'une intercommunale (TECTEO) va racheter un groupe de presse (L'Avenir). Cette intercommunale gère, entre autres, un fournisseur d'accès Internet (VOO) et la distribution d'électricité. Et en Belgique, les intercommunales sont gérées par des politiciens non-élus et dont le financement reste secret d’État.
De telles pratiques ne sont plus fort éloignées des traditions dictatoriales.

L'article en question.


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