Le petit livre rouge de l'urbex

Ne vous y fiez pas mais sous des dehors amusants et reposants, l’urbex demande une connaissance approfondie d’un certain nombre de règles et de bonnes pratiques. Ce qui en fait une activité assez élitiste, n’importe qui (genre vous) n’est pas capable d’entrer dans le cercle très fermé des urbexeurs de première classe (dont je fais partie, bien évidemment).

Sur cette page, je vais vous exposer ma science infuse en la matière, tout en essayant de vulgariser le plus possible, vu votre niveau intellectuel lamentable.
Je sais, je suis trop généreux mais vous pouvez tout de même me remercier (et pratiquer un sacrifice en mon nom, ça ne gâche rien).

Je vais scinder ce petit guide en quatre parties, histoire de ne pas trop fatiguer vos quelques neurones trop rapidement :

1. La recherche et la préparation
2. Bazar à emporter
3. L’exploration proprement dite
4. La glorification
5. Conclusions

I. La recherche et la préparation

Vous êtes débutant et bien évidement, vous n’avez aucune adresse.
J’ai la solution !

• Commencer tout d’abord à créer une page Facebook, Twitter, Instagram et Flickr. Je l’ai fait et grâce à cela, j’ai une communauté fidèle, dévouée et mondiale qui me suit inlassablement depuis des années. Cela prouve l’efficacité des services... pardon... réseaux sociaux.
  Une fois vos différents comptes créés, n’hésitez pas à harceler les explorateurs connus pour obtenir une petite adresse de départ. Après tout, si l’on réfléchit bien, les plus connus et médiatisés sont les plus gentils, talentueux et honnêtes, non ? Ça fonctionne comme cela partout, pourquoi pas dans le petit monde l’urbex ?
  

  Les réseaux sociaux, là où pas mal de gens se trouvent une raison d’être...

• Si cette première méthode ne fonctionne pas, rabattez-vous sur les sites revendant des adresses. Ces fils de... gens travaillent d’arrache-pied pour le bien de la discipline, il est donc logique de leur verser quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Ainsi, ces gros co... gens pourront partir explorer bien loin avec votre argent tandis que vous, vous serez contents avec l’adresse d’un abribus abandonné au coin de la rue monnayé à prix d’or.
  Vu mon immense générosité, je vous offre MA carte avec tous MES spots :
  

  Inutile de me remercier !

• Maintenant, il existe d’autres méthodes pour trouver des spots mais elles sont réservées aux connards. Vous voulez quand même que je vous les explique ?
  Ok, j’ai pitié de vous :
  • Recherchez dans les photos le moindre indice qui pourrait permettre la localisation.
    C’est ainsi que j’ai pu dénicher à l’époque l’adresse de la Chambre du Commerce, Gravestone Church et quantité d’autres lieux.
    C’est un boulot long et souvent décourageant mais lorsque l’on trouve ce que l’on a cherché, on peut éprouver une certaine fierté légitime.
  • Abusez de Google Maps™. Si cet outil magique n’existait pas, il n’y aurait pas autant d’explorateurs du dimanche, c’est certain. Malgré tout, en voyageant au hasard, vous pourrez toujours tomber sur un site « suspect » et y mener quelques investigations. Avec un peu de chance, vous aurez découvert un nouveau spot. Bravo !
  • Promenez-vous et observez votre environnement. Simple et efficace.
    On ne connait jamais totalement l’endroit où l’on habite et c’est en se baladant que l’on peut tomber sur une pépite. Et n’oubliez pas que l’urbex, c’est l’aventure. Donc osez sortir des sentiers battus.
    Une fois un spot potentiel repéré, étudiez-le. Des portails fermés depuis de nombreuses années, des herbes folles et des jardins non entretenus, des branchements électriques coupés, du courrier débordant de la boîte aux lettres sont autant d’indices signalant un potentiel abandon du lieu.
  • Vous utilisez souvent le train ? Au lieu de garder votre tête vissée sur votre smartphone, regardez par la fenêtre. Vous serez étonné du nombre de spot que l’on peut trouver ainsi.
  • Ces quatre derniers points demandent un peu de travail. Oui, parfois (souvent même), il faut se bouger le cul pour obtenir ce que l’on veut.
• Vous avez désormais une liste de spots ? Parfait.
  Maintenant, la préparation :
  • Point de vue habillement, ne négligez pas votre apparence ! Surtout que vous allez faire plein de selfies, non ? Donc, de beaux vêtements et une coiffure au cordeau sont indispensables.
    Les selfies sont devenus une obligation avec le développement des smartphones. Plutôt que de mettre le lieu visité en vedette, il faut que la star, ce soit VOUS ! Vous avez parfaitement raison. Faire une selfie dans un lieu abandonné ou sur vos toilettes, ce n’est quand même pas la même chose.
    Les vêtement solides, sales et longs ne sont que pour les bouseux qui s’inquiètent de leur intégrité physique. Il est toujours agréable de se balader dans un champ de ronces en short ou de se faire charcuter le bras par une vitre brisée.
  • Ne prévenez personne de l’aventure que vous êtes sur le point de commencer. Il ne vous arrivera rien, donc inutile d’inquiéter les autres au cas où vous auriez un petit souci.
  • Organisez un car pour partir en explo, à l’instar de nos amis néerlandais.
    Plus on est nombreux, mieux c’est non ? C’est moins discret ? Bof... Tout est question de point de vue !
    Une fois sur place, garez-vous bien en évidence devant le spot. Ainsi, tout le voisinage saura que vous pratiquez à l’instant une activité d’élite. Et tant pis si ce même voisinage appelle la police.
  

  Suggestion de vêtements parfaits pour l’exploration urbaine.
  Pratiques, sûrs et top classe.

II. Bazar à emporter

Votre expédition à la con est bien préparée ? Parfait !
N’avez-vous rien oublier ? Vérifiez ma check-list établie rien que pour vous !

• Votre appareil photo ou votre smartphone.
  Ou rien pour les prises de vue, c’est vous qui voyez.
• Quelques cartes mémoires.
  Ben oui, les selfies, ça bouffe pas mal de place.
• Un masque à gaz ou un masque tout court.
  C’est tellement original, et surtout, personne n’a encore eu cette brillante idée.
• Vos t-shirts, pulls, casquettes, strings, boite-à-tartines, bonnets, stickers à l’effigie du logo de votre site web/groupe de merde.
  Il faut ABSOLUMENT que l’on vous reconnaisse, surtout dans des endroits où il est sensé n’y avoir personne.
• Un bon trépied.
  Mais uniquement si vous avez le souci de faire des photos un tant soit peu travaillées. Sinon, à quoi bon s’encombrer d’un truc lourd et peu maniable. A part peut-être pour défoncer des portes (ou défoncer ceux qui défonce les portes, au choix).
• Du matériel de nettoyage pour votre APN.
  Il a toujours beaucoup de poussière dans les friches et comme vous le savez peut-être, changer d’objectif dans de tels lieux peut être fatal à votre beau matos bien cher. Encore faut-il que vous vous promeniez avec plusieurs objectifs.
• Une lampe de poche ou frontale.
  Inutile d’expliquer pourquoi. Ah si, pour les deux du fond peut-être.
• A boire et à manger.
  L’urbex demande parfois un peu d’effort (même si pas mal de monde ignore ce que ce mot veut dire). Par contre, ne jeter pas vos déchets dans les lieux oubliés. Ce n’est pas parce que c’est abandonné que cela peut devenir votre poubelle bande de crasseux.
• Une trousse de premiers soins.
  Cela peut paraitre exagéré mais elle peut être envisagée, surtout si vous vous aventurer loin de toute civilisation ou dans des endroits réputés particulièrement dangereux. Sait-on jamais !

Maintenant, une liste des objets à bannir, sauf si vous voulez des emmerdes ou passer pour un gros connard.

• Un pied-de-biche, une pince-monseigneur et/ou du matériel de crochetage.
  Les deux premiers sont lourds et encombrants, et être en possession du second n’a rien d’illégal mais laisse peu d’imagination quant à son utilisation.
  Forcer une serrure est un délit (cf. cette page).
• Un drone.
  Même si cet appareil peut avoir une utilisation géniale, faire voler un truc pareil au-dessus d’un lieu supposément vide de toute présence humaine ne sera pas très discret.
  En plus du drone, évitez tout ce qui peut révéler votre présence dans un lieu abandonné. Je ne vais pas tout énumérer, faites fonctionner votre cerveau (si vous en avez un).
• Tout ce qu’il faut pour pique-niquer ou faire un barbecue.
  Oui, je vous conseille de prendre de la bouffe avec, pas de faire comme Tonton Marcel et Tata Josiane au Camping des Flots Bleus.
• Des animaux ou des enfants (voire des grands-parents).
  Oui, je classe ces trucs dans la catégorie « objets ». Et alors ? Je vous emmerde.
  Plus sérieusement, je le répète encore : L’URBEX PEUT ETRE DANGEREUX !
  Par contre, si votre belle-mère vous dérange, pourquoi pas...

III. Pendant l’exploration

• Si le spot est fermé, usez de tous les moyens pour entrer, le bris de vitre reste mon préféré.
  Et tant pis si le lieu n’est pas réellement abandonné. La violation de domicile n’est pas punissable du tout.
  Emmerdez la loi puisque vous êtes un rebelle. Ne vous renseignez surtout pas sur les risques judicaires encourus lors d’une exploration.


L'effraction, c'est pour les cons

• Surtout, oubliez la DISCRETION et le RESPECT !
  Quand vous êtes dans un lieu abandonné, il vous appartient, vous êtes donc libre d’y faire ce que bon vous semble. Et ne vous préoccupez pas des visiteurs suivants. Ils n’avaient qu’à venir avant vous, non ?!
  Plusieurs possibilités :
  • Le vol : un petit souvenir ne va pas changer grand’chose n’est-ce-pas ?
    C’est ainsi que plusieurs spots ont été dévalisés en quelques semaines parce qu’un petit fourbi, ça ne se verra pas qu’il a disparu.
  • Le tag : le street-art est... un art (c’est dans le nom en tous cas), donc, si vous le pratiquez, vous êtes un artiste. Bien vu ! N’hésitez pas à tout recouvrir de vos talents.
    Quand une personne a la gastro, elle recouvre en général la cuvette des WC d’une matière fécale malodorante. Le tagueur, lui, fait pareil mais avec de la peinture en bombe et sur des murs.
  • Vous voyez une porte fermée ? Surtout, ne la refermez pas ! Cela facilitera l’invasion du lieu par les indésirables.
  • Utilisez le flash de votre appareil photo.
    Parfait pour trahir votre présence dans un lieu, il offre l’avantage non négligeable de ne pas devoir savoir utiliser son APN en mode manuel.
  • Criez, rigolez, téléphonez, bref, faites du bruit ! Il faut que les gens sachent que vous êtes là.
  • Pour les visites de maison, ne respectez pas le lieu qui autrefois appartenant à quelqu’un d’autre. Volez les souvenirs de famille, faites de belles mises en scènes pour vos photos et ne remettez rien en place après. Je vous l’ai déjà dit, vous êtes ici chez vous.


Ça pique un peu...
Dr. Frédéric Taboul

• Oubliez aussi la PRUDENCE.
  Vous êtes le meilleur, il ne vous arrivera rien.
  Un plancher effondré, de l’humidité, des murs fissurés ? Pffff, quelle blague ! Vous n’êtes pas une tapette et vous n’avez peur de rien.
  Vous n’êtes pas du genre à être effrayé par une éraflure ? Vous avez raison. Le tétanos n’existe plus.
• Un point déjà expliqué mais que je trouve primordial : ne RESPECTEZ pas le lieu !
  Mais peut-être que vous ignorez le sens de ce mot. Dans ce cas, je ne peux rien pour vous...

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Faisons un intermède vidéo



© Gifer


Fin de la pause

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• Vous êtes toujours là ? Parfait.
  Reprenons.
  Vous avez terminé la visite du lieu et votre carte mémoire est remplie de magnifiques photos plus parfaites les unes que les autres ? Ressortez du spot comme vous y êtes entré : n’importe comment. Foutre le bordel est un plus.
• Vous pouvez vous rendre dans le spot suivant en y répétant vos mêmes erreurs... pardon... vous êtes parfaits !

IV. Après l’exploration, la recherche de la gloire

• Vous voilà de retour à la maison et vous êtes en train de décharger votre carte mémoire.
  Retravaillez vos photos (le HDR à la truelle est pour moi le summum du bon goût), utilisez le plus de filtres possibles, dénaturez comme bon vous semble les lieux que vous avez visité.
• Mettez-vous en évidence en publiant partout comme un forcené UNE photo du lieu et PLUSIEURS photos de vous.
  Négligez de raconter l’histoire du lieu, cela n’en vaut pas la peine. Mais si vous le faites, restez vague, histoire de ne pas permettre une localisation trop aisée.


© Piero Manzoni

• Contactez la presse écrite (la télé, c’est encore mieux !), pour y étaler votre suffisance et vos photos de merde. Surtout, n’oubliez pas d’y édicter des règles qui vous ne suivez pas, c’est très important de vous faire passer pour une personne que vous n’êtes pas.
  Ensuite, offusquez-vous du trop grand nombre d’explorateurs. Logique.
• Créer une chaine YouTube™.
  Faites le plus de vidéos possibles avec le plus de vues, ensuite essayer de dégoter un sponsor qui vous paiera bien cher pour que vous puissiez urbexer le plus loin possible. Prouvez ainsi que vous êtes supérieur aux autres explorateurs.
• Considérez les lieux visités comme VOS lieux. Vous y avez laissé vos traces de pas, donc, c’est à vous.

V. Conclusions

Bien évidemment, ce texte est à prendre au second degré. Quoique...
Gardez à l’esprit les points suivants :

• Il n’y a pas d’instance dirigeante de l’urbex, et par conséquent, pas de règlements. Respectez plutôt le bon sens et tout ira bien. Contentez-vous de pratiquer l’exploration urbaine avec passion, humilité, honnêteté et fair-play.
• Que voulez-vous être ?
  Un explorateur qui pratique l’urbex pour le plaisir et, en respectant le bon sens, participer à la sauvegarde d’un patrimoine oublié et délaissé. Ou alors un bon gros connard irrespectueux qui ne pense qu’à sa gloire personnelle et favorisant ainsi la mauvaise réputation de l’exploration urbaine.
  A vous de voir.
• Oui, vous pouvez échanger des adresses de spots. Qui peut vous l’interdire ? Mais faites-le avec des personnes de confiance et pas avec le premier inconnu qui passe. Comme dans la vie.
• Oui, vous pouvez garder pour vous vos adresses. Cela peut être frustrant pour les autres mais peut-être que vous avez de bonnes raisons de le faire. Qui peut vous juger ?
• Faut-il avoir un reflex à 3.000€ pour pratiquer l’urbex ? NON ! Vous voulez shooter avec un smartphone ? Allez-y. Mais ne dénigrez pas ceux qui font l’effort de vouloir proposer les plus belles photos possibles. Il y a du boulot derrière une belle photo.
  Savez-vous qu’il existe même une catégorie d’explorateurs qui visitent les lieux sans prendre la moindre photo ? Si si ! Ils sont juste là pour le plaisir d’explorer.


L'exploration urbaine doit rester un plaisir, mais abordé avec prudence

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