Freethiel

Des sommets de l’Europe aux caves du football belge, ainsi peut être résumée l’histoire du KSK Beveren, résident du stade Freethiel.
Après avoir fait trembler les plus grands d’Europe, le Freethiel est désormais condamné à jouer les seconds rôles dans le championnat de Belgique.

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img > Josh Josh | Webmaster
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Publié le 10 mai 2020

Un vélodrome au milieu des polders

img > KSK Beveren Beveren est une petite ville coincée entre la frontière néerlandaise et le port d’Anvers. Elle fait partie d’une région naturelle appelée le Pays de Waes. Ce territoire s’est spécialisé dans la culture du navet, cette plante potagère en est d’ailleurs devenue l’emblème.
Quant au football, il n’apparait à Beveren qu’en 1926 avec le Standaard FC Beveren-Waes. Ce club reçoit le matricule 737 mais devant le peu de succès rencontré, il démissionne de l’Union Belge en 1931. Trois ans plus tard, d’ancien membres du Standaard tentent de relancer le football dans la ville waeslandienne en créant le Sportkring Beveren-Waes. Les couleurs de ce nouveau club sont le jaune et le bleu (couleurs de la ville) et la fédération lui attribue le matricule 2300. Jouant dans des praires, le nouveau club ne dispose pas encore d’un véritable stade.

Le club devra attendre 1938 pour emménager dans un ancien vélodrome inutilisé. En effet, du début du XXe siècle jusqu’au début des années 30, ce vélodrome avait un certain succès mais peu à peu, les cyclistes l’ont délaissé. Pour ne pas laisser son bien sans utilisation, Frederik Thielemans propose au jeune club du SK venir y jouer. Pour ce faire, la piste cycliste est détruite et une tribune en bois est érigée le long du terrain tandis que des dunes font office de gradins le long des autres côtés. En parlant de terrain, il ne s’agit pas d’un beau gazon bien vert mais un mauvais terrain sablonneux. Il faudra attendre la montée de Beveren dans les séries nationales (en 1949) pour qu’une véritable pelouse soit implantée dans le stade. Pour nommer celui-ci, les dirigeants du club ont une idée toute simple : contracter le nom du propriétaire du terrain. On parle depuis du Freethiel.
Pour fêter l’arrivée dans le nouveau stade, Beveren organise un match amical contre le club anglais d’Eastleigh Athletic FC. Le match aller est gagné par Beveren (2-1) et le match retour aurait dû être joué en Angleterre. Malheureusement, ce match n’aura jamais lieu : la Seconde Guerre Mondiale vient de commencer. Le club anglais reçoit une coupe en remerciement de leur déplacement qui, soixante ans plus tard, a été renvoyée à Beveren par le dernier joueur encore vivant d'Eastley. Cette coupe est le souvenir du tout premier match international disputé par les waeslandiens.

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De la provinciale à la D1 en 18 ans

Ainsi donc, le club de Beveren franchit très (trop ?) vite les niveaux du football belge. En à peine 15 ans, le SK arrive dans les divisons nationales quelques années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Après la réfection du terrain, les dunes et la tribune en bois sont remplacés par de vraies constructions. Les nouvelles installations sont inaugurées le 21 août 1949 lors d’un match contre l’Eendracht Alost, club de Division 1.

img > KSK Beveren En 1966, un nouvel entraineur arrive au club : Guy Thys. Habitué à diriger des clubs des divisions inférieurs, Thys va pourtant permettre à Beveren de poser les premiers jalons de la conquête du titre de Champion de Belgique de Division 1. Bien des années plus tard, Thys deviendra l’entraineur fétiche des Diables Rouges avec qui il écrira parmi les plus belles lignes de l’équipe nationale (Euro 1980, Coupes du Monde 1982, 1986 et 1990).
Dès 1967, le SK Beveren arrive donc en Division 1. Evidemment, le Freethiel n’est pas du tout prêt à accueillir des matches de haut niveau mais rapidement, le club et la ville de Beveren font construire un vrai stade de D1. Une nouvelle tribune principale est construite, ainsi que de nouveaux vestiaires et des bureaux pour le club. Le long des autres côtés du terrain, des gradins sont également érigés. La capacité est d’environ 16.350 places.
Très vite, l’agrandissement de la tribune côté Klapperstraat porte la capacité à 18.000 places en 1972 et deux ans plus tard, une immense tribune debout et couverte est construite à l’autre extrémité du terrain. Le Freethiel atteint à ce moment-là sa capacité maximale de 22.000 places. Au même moment, l’éclairage est installé sur quatre pylônes à chaque coin du terrain. Beveren dispose d’un stade moderne, confortable et répondant aux normes les plus strictes de l’époque de l’Union Belge et de l’UEFA.
Beveren met également en place une formation spécifique des gardiens de but et cette politique fera la renommée du club pour les trente années suivantes. L’école des gardiens de Beveren a compté en ses rangs plusieurs vedettes : Jean-Marie Pfaff, Filip De Wilde, Geert De Vlieger, Erwin Lemmens ou Tristan Peersman pour les plus connus. Ils furent tous Diables Rouges.

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Le « petit Anderlecht »

L’âge d’or du club commence lors de la saison 1977-1978. Grâce à un jeu très technique (ce qui lui vaudra son surnom de « petit Anderlecht ») et d’excellent gardiens de but, Beveren égale ce qui était jusqu’alors sa meilleure performance avec une cinquième place au classement général. Mais le club remporte aussi sa première Coupe de Belgique face au Sporting de Charleroi (2-0) au Heysel devant 38.000 spectateurs.
Dès la saison suivante, en Coupe des Coupes, Beveren devient un tombeur de géants. Après avoir réussi à dominer Anderlecht, le Club Brugeois, le Standard et les autres ténors belges, Beveren se paya le luxe d’éliminer l’Inter Milan mais fût éliminé avec les honneurs au tour suivant par le futur vainqueur de l’épreuve, le FC Barcelone. Beveren est arrivé en ½ finale de la Coupe des Coupe lors de sa première participation. Le Freethiel était devenu une forteresse inexpugnable, célèbre dans toute l’Europe. Les tribunes sont toujours remplies, le club vit sur un nuage.

img > KSK Beveren La saison suivante, Beveren fait encore mieux en devenant Champion de Belgique. Le petit club qui jouait à ses débuts sur du sable s’est hissé au même niveau que les grands clubs du pays.
Qualifié pour la Coupe des Clubs Champions, Beveren sera en revanche éliminé sans ménagement dès son entrée en lice par le Servette Genève (Suisse). En championnat, le club finit à une décevante onzième place.
Dès la saison suivante, le club retrouve son niveau avec le retour de son entraineur à succès, Urbain Braems. Beveren termine toujours dans la première partie du tableau les saisons suivantes.
En 1983, Beveren remporte un seconde Coupe de Belgique contre le Club Brugeois (3-1) et un second titre de Champion en 1984. La même année, le club est reconnu comme Société Royale lors de son cinquantenaire et adapte son nom en Koninklijke Sportkring Beveren.
Toujours aussi dominant, Beveren atteint une nouvelle fois la finale de Coupe de Belgique en 1985 mais perd face au Cercle de Bruges lors des pénaltys (1-1 et 5-4).
Une nouvelle qualification pour la Coupe UEFA ponctue la saison 1985-1986. Lors de cette édition, Beveren réalise sans le savoir son dernier exploit européen : un nouveau ténor européen tombe au Freethiel. Les espagnols de l’Athletic Bilbao sont éliminés par Beveren en seizième de finale. Au tour suivant, le Torino Calcio se montre en revanche trop fort pour Beveren.

Les résultats en championnat deviennent de plus en plus mauvais et le club finit par chuter en Division 2 au terme de la saison 1989-1990. L’âge d’or de Beveren est définitivement terminé.
Avec peu de moyens financiers mais grâce à un excellent football, Beveren aura réussi à rester en Division 1 pendant 17 ans, tout en remportant deux titres de Champion (1979 et 1984), deux Coupes de Belgique (1978 et 1983) et deux Suepercoupes de Belgique (1979 et 1984).
De plus, le club est devenu le spécialiste dans la formation des gardiens de buts. Peu de petits clubs peuvent en dire autant.

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Plus dure sera la chute...

Parallèlement à la dégringolade sportive, le stade subit lui aussi le temps qui passe. Même si les tribunes restent encore en bon état, leur âge commence à poser des problèmes.
A la fin des années 90, le haut de la tribune debout côté Klapperstraat est condamné. Lors de la dernière qualification pour la Coupe UEFA en 2004, le club est obligé d’adapter ses installations pour pouvoir jouer dans son stade. Ainsi, des sièges sont installés dans les deux tribunes de but tandis qu’un éclairage suspendu à des grues est utilisé pour palier la faiblesse de l’éclaire installé en 1974. La capacité chute à 15.400 places.

img > KSK Beveren Au niveau sportif, la saison 2001-2002 aurait dû être la dernière du club en Division 1. D’une faiblesse affligeante, Beveren n’a obtenu que 2 victoires et 4 nuls contre 24 défaites et 91 buts encaissés (contre 30 marqués en 34 matches) pour un bilan de 14 petits points. Le club n’a dû son salut qu’à la faveur des faillites du RWDM et de l’Eendracht Alost, ces deux clubs étant relégués administrativement en Division 3.
Ce sauvetage miraculeux entraina un profond changement d’attitude de la direction waeslandienne.
N’ayant plus d’argent dans les caisses, le club s’est lié avec le français Jean-Marc Guillou, qui était à la tête d’une académie de football en Côte d’Ivoire. D’un autre côté, Guillou fonde un partenariat entre Beveren et le club anglais d’Arsenal. Le stratagème est simple : Guillou amène à Beveren de nombreux joueurs ivoiriens et les meilleurs d’entre eux, après avoir été testés à Beveren, seront envoyés à Arsenal. Ainsi, l’équipe première est composée quasi exclusivement d’anciens joueurs de l’ASEC Mimosa, le club ivoirien lié à l’académie de Guillou. Au beau milieu de la Flandre conservatrice, voir onze ivoirien défendre les couleurs du club waeslandien a quelque peu dérouter à l’époque.
Qu’importe, cette combine a permis à Beveren de se sauver sportivement et financièrement, du moins dans un premier temps. Le club atteint une dernière fois la finale de la Coupe de Belgique en 2004 (défaite contre le Club Brugeois 4-2 (après prolongations) et obtient par la même occasion sa dernière qualification pour la Coupe UEFA (Bruges étant déjà qualifié en Champion’s League). Cette dernière qualification verra Beveren éliminer le FC Vaduz (Lichtenstein) et le Levski Sofia (Bulgarie) mais la phase des poules sera une véritable torture pour le matricule 2300 : Beveren sera atomisé par les allemands du VfB Stuttgart (1-5), les croates du Dinamo Zagreb (6-1), les portugais du Benfica Lisbonne (0-3) et les néerlandais de Heerenveen (1-0). Du tueur de géants des années 70-80, Beveren est devenu un oiseau pour le chat sur la scène européenne.

Après cette qualification inespérée, Beveren jouera encore deux saisons au plus haut niveau avant de culbuter une dernière fois en Division 2.
Depuis la fin des années fastes, le public a de plus en plus déserté les travées du Freethiel. Le club, quant à lui, n’a plus les moyens d’entretenir correctement son stade et les finances dans le rouge n’incitent pas à l’optimisme.
Après avoir affiché l’ambition de remonter rapidement en D1, Beveren n’a jamais réussi à faire mieux qu’une neuvième place.
A la fin de la saison 2009-2010, la direction du club jette l’éponge et ne demande pas la licence professionnelle. Une fusion est envisagée avec les voisins du KFC Red Star Haasdonk (matricule 4068) mais la demande n’ayant pas été rentrée à l’Union Belge dans les délais, celle-ci n’est pas acceptée par la fédération. Pour contourner ce refus, les deux clubs s’adaptent : le KSK Beveren n’alignera plus que des équipes de jeunes et une équipe féminine, tandis que le Red Star (entretemps monté au Division 2) s’installe au Freethiel et change son nom. Le matricule 2300 ne disparait pas mais ne jouera plus jamais en Division 1.
Une longue et glorieuse histoire de 76 ans est plongée dans un long coma.

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Une rénovation pour... un autre club

img > Waasland-Beveren Comme pour les stades du Canonnier, Edmond Machtens ou du Kiel, au lieu d’une fusion, c’est donc un club de substitution qui prend la place du défunt KSK Beveren au Freethiel..
Détail amusant, le Red Star, ce petit club anonyme issu des séries provinciales, avait déjà déménagé au Puyenbeekstadion afin de prendre la place d’un autre club radié de la région, le Koninklijke Saint-Nicolas SK Excelsior (matricule 221), en 2002. Il avait à l’époque changé son nom en KFC Red Star Waasland.
Ainsi donc, le Red Star s’installe au Freethiel en 2010 et se renomme Koninklijke Voetbalclub Red Star Waasland-Sportkring Beveren, ou plus simplement Waasland-Beveren.

img > Waasland-Beveren Avant la disparition du SK, la ville de Beveren avait entrepris d’important travaux de mise aux normes d’un Freethiel vieillissant. La tribune principale construite en 1967 est rasée et remplacée par une nouvelle construction de 4.000 places. Malheureusement, le SK ne pourra jamais l’utiliser et cet honneur sera réservé à son successeur.
Derrière le but côté Klapperstraat, les vieux gradins de 1972 sont définitivement fermés et voués à la démolition. En attendant un projet de reconstruction, la vieille tribune est transformée en mur de publicités.
Avec la fermeture de cette tribune, la capacité tombe à 8.190 places. C’est peu par rapport à la période de gloire du KSK Beveren mais suffisant au regard des pauvres résultats du nouvel occupant du Freethiel.
Après une montée en Division 1 en 2012, et jusqu’à présent, Wassland-Beveren n’a jamais quitté le fond du classement. Par contre, et même s’il est moins nombreux qu’avant, le fidèle public est toujours bien présent dans les travées du Freethiel.

Photos

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La première tribune en bois, dans les années 30. Le vélodrome est encore visible au fond de l’image.

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Modernisation massive du Freethiel en 1967.

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La tribune principale de 1967. Une construction rustique mais fonctionnelle.

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L'équipe championne de Belgique en 1979, avec notamment Jean-Marie Pfaff.

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L’arrière de la tribune debout, le long de la Klapperstraat. Cette tribune sera fermée progressivement entre 2002 et 2012.

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Excepté l’installation de nouveaux sièges, le Freethiel a gardé le même visage pendant une vingtaine d’année : deux tribunes latérales assises et deux tribune debout derrière les buts.

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Une vue sur le terrain pas toujours parfaite, mais le Freethiel reste un petit stade sympa avec une belle ambiance.

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La grande tribune debout de 1974, repère des supporters de Beveren les plus bruyants.

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Pour la dernière qualification pour l’UEFA en 2004, éclairage temporaire sur grue et...

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... des places debout en partie remplacées par des sièges.

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Depuis la tribune principale.

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La vieille tribune côté Klapperstraat compte de moins en moins de places encore accessibles.

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2008-2009 : reconstruction de la tribune principale et bientôt la fin de parcours pour le KSK Beveren.

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La nouvelle tribune principale, désormais occupée par Waasland-Beveren.

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La grande tribune debout, en partie équipée de places assises.

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Au fond, la tribune construite en 1972.

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La petite tribune latérale et la grande tribune debout.

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Un public toujours présent mais nettement moins nombreux qu’avant.

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Remplacement du terrain.

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Le Freethiel a désormais un nouveau visage et un nouveau club résident.

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La petite tribune avec les business-seats. Le stade est désormais aux normes actuelles.

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La nouvelle tribune principale dans son ensemble.

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Depuis la nouvelle tribune principale.

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La tribune condamnée en 2012. En attendant sa reconstruction, elle fait office désormais de mur de publicités.

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Vue depuis la tribune fermée en 2012.

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Un stade habitué aux joutes européennes durant au XXe siècle doit maintenant se contenter des matches de bas de classement du championnat belge.



Note

  • Cet article provient de mon ancien site www.foothisto.be mais n’a jamais été publié.
    Il a été quelque peu modifié et actualisé dernièrement (mai 2020).

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