Mes prémices dans l’exploration urbaine

11
février 2020

Quand j’expliquais sur la page consacrée à mes photos que je n’avais conservé de mes premières explorations que mes souvenirs, je tombe par hasard sur, justement, une image de l’un de ces lieux. De suite, il me fallait partager avec vous ces souvenirs. Donc, retour au début des années 90.

Internet était encore totalement inconnu en Belgique, les jeunes de l’époque savaient parler, lire et écrire, on pouvait se balader après 20h sans risque, le téléphone ne servait qu’à téléphoner (et n’était pas une extension du corps humain) et No Limit de 2 Unlimited cartonnait à la radio.
Bref, une époque glauque au possible qu’il vaut mieux oublier. Soupir...
Ne faisant rien comme tout le monde (oui, déjà à l’époque !), je convainquis mon pote Laurent de m’accompagner dans des endroits que personne ne visitait, pour la bonne raison que ces endroits étaient totalement oubliés. Je ne sais pas pourquoi j’ai toujours eu cette attraction irrépressible. Peut-être pour le calme qui y règne ou pour avoir la chance de n’y croiser personne. Je ne sais pas en fait. Mais toujours est-il que ma passion pour l’exploration urbaine a réellement débuter en ce début de dernière décennie du XXe siècle. Bordel, ça me fout un coup de vieux st’histoire...

Allons-y pour une petite description des ces quelques lieux.

Château de Roisin
Bon... Celui-là date de bien avant les années 90.
Je ne peux pas dire que je l’ai visité mais du haut de mes huit ans, j’étais absolument fasciné par ce gigantesque château tombant en ruine. Pouvant voir à travers les fenêtres éventrées un intérieur totalement ravagé et partiellement effondré, je n’avais qu’une envie : entrer et jouer à l’aventurier.
Bien évidemment, on me l’a interdit mais ce château est pour moi le point de départ de ma passion pour les lieux oubliés.
Le château sera scandaleusement détruit au début des années 90 et remplacé par... un parking en gravier.
Affligeant...

img > Château de Roisin

Le Château de Roisin quelques années avant sa destruction

Ce beau château est évoqué sur la page consacrée au Haut-Pays, visité en 2009.

Grand Hôtel Majestic & le Kursaal
Ceux-là aussi, je n’ai pu les admirer que de l’extérieur.
Dans la seconde moitié des années 80, nous avions une caravane à la Côte Belge. Ben oui, que voulez-vous. Ce sont assurément mes plus beaux souvenirs d’enfant. Et cette caravane était localisée tout près de Blankenberge. Quand nous n’étions pas à la plage, ou moi avec mes potes du camp en train de faire les 400 coups, nous étions dans cette célèbre cité balnéaire.
La longue digue avait déjà été massacrée depuis belle lurette par les bunkers de béton, il restait cependant plusieurs témoins de la Belle Époque encore plus ou moins intacts : le célèbre Pier, les hôtels Bristol, Idéal, Petit Rouge, Pauwels-D'Hondt (avec son luna-park géant Sportland) mais surtout le Majestic et son voisin le Casino (ou Kursaal).
Le premier était déjà abandonné dans les années 80, et tout un côté du grand bâtiment était entouré d’un grillage prévenant les chutes de matériaux. De plus, il semblait que cette aile s’était effondrée sur elle-même, tandis que la patrie centrale semblait en bon état. Cet énorme hôtel me fascinait et je me demandais bien ce qu’il y avait à l’intérieur. Je ne l’ai jamais su. Il sera démoli dans l’indifférence totale au tout début des années 90.
Quant au Kursaal, son énorme beffroi était réellement impressionnant, presque effrayant. Lui aussi était entouré d’un grillage de protection, les faïences vertes composant sa façade se décrochant. Le casino n’était pas abandonné mais il était dans un tel état de délabrement que l’on pouvait le penser facilement.
Quant à l’intérieur du casino, je voyais le gigantesque hall toujours vide du côté de la Casinostraat. Dans ce hall, on trouvait de beau luminaires Art-Déco. Si le casino n’a pas été rasé comme les autres bâtiments précités, il a tout de même été totalement dénaturé par une rénovation irrespectueuse au début des années 90. Sa décoration et tout ce qui en faisait un bâtiment unique ont été effacés. De nos jours, nous n’avons plus qu’à « admirer » un énième cube de béton sans âme. Quant au reste de la digue, no comment. Il n’y a plus rien de regardable là-bas.
J’y suis pourtant retourner à quatre reprises au début de l’aventure de ce site web, et même une visite sous la neige.

img > Grand Hôtel Majestic Blankenberge

Le Majestic (bien au centre de la photo) et le Kursaal (à gauche) durant les années 60.

img > Grand Hôtel Majestic Blankenberge

Le Majestic, vers 1975.
La partie droite connaitra un effondrement quelques années plus tard.

img > Grand Hôtel Majestic Blankenberge

La façade arrière du Majestic, durant les années 70.
À la fin de l’existence de bâtiment, seul le rez-de-chaussée sera encore occupé par un restaurant et une pharmacie.

img > Kursaal Blankenberge

Le Kursaal, déjà entouré de sa cage d’acier, à la fin des années 70.
La future rénovation va le défigurer irrémédiablement.

Après ces quelques souvenirs d’enfance qui ont posé les jalons de ma passion des lieux abandonnés, place aux premières véritables explorations.

Les égouts
Quelques temps avant de commencer l’exploration de bâtiments abandonnés, je m’étais essayé à l’exploration des égouts. Quel drôle d’idée pour un gamin de 13 ans n’est-ce pas ? Mais il ne s’agissait pas de n’importe quel égout : il se situait au beau milieu de la compagne mouscronnoise et ne semblait n’avoir aucune utilité et ses bouches d’accès ne comportait aucune fermeture. Il était d’ailleurs souvent à sec (mais pas sans crasse pour autant). Avec un pote de l’époque, nous l’explorions plusieurs fois en tentant d’aller le plus loin possible jusqu’au jour et nous nous sommes étalés dans la m*** et nous avions dû rentrer chez nous pour nous laver, tout en traversant la ville recouvert d’une matière malodorante de la tête au pied
Cet épisode comique me persuada d’explorer plutôt des bâtiments abandonnés, activité nettement plus « propre ».
Quelques années plus tard, une nouvelle route et un zoning industriel prendront la place de la campagne. L’égout trouvera alors son utilité.

img > Les égouts

L’un des accès en 2019, fermé depuis une éternité

Usine Masurel
Voici une ancienne grande usine textile comme il en existait des dizaines à Mouscron.
Fermant les unes après les autres, quelques-unes ont eu la chance d’être reconverties alors que les autres sont déjà de l’histoire ancienne en 1992. C’est le cas de l’Usine Masurel.
Si l’activité textile a été arrêtée dès 1969, les bâtiments connaissent plusieurs réaffectations jusqu’à l’ouverture d’un magasin de meubles en 1977. En 1990, un incendie « accidentel » ravage les sheds (c’est-à-dire la majorité du site) mais épargne les bâtiments administratifs et un grand entrepôt aux extrémités du site.
Tels des Indiana Jones, nous nous amusions à entrer sur le site de la manière la plus discrète possible en échafaudant des plans les plus foireux possibles. Et une fois à l’intérieur, nous entreprenions d’explorer au maximum les bâtiments. Évidemment, quand l’on a 14 ans, on ne pense pas aux risques. Des planchers qui craquent ou des passerelles donnant sur le vide ? Tant pis, on fonce ! En y repensant, nous avions eu à l’époque pas mal de chance !
C’est au détour d’un couloir que nous sommes tombé sur une grande salle totalement habillée de faïences. Si les extérieurs de l’usine étaient peu avenants, cette salle aurait assurément mérité d’être immortalisée. Malheureusement, Mouscron n’a jamais pris soin de son patrimoine et finalement, l’usine a été démolie en 1997. En 2020, il ne reste plus qu’une usine historique encore débout mais sa mort est déjà programmée.

img > Usine Masurel

L'Usine Masurel en 1988

img > Usine Masurel
img > Usine Masurel

L’usine Masurel après l’incendie.
Nous visiterons régulièrement les bâtiments visibles en arrière-plan.

Château Allart
Ce petit château, je le connais depuis toujours. Ce n’est qu’en rédigeant le présent texte que je découvris son véritable nom. On en apprend décidément tous les jours.
Peut-être l’exploration la plus difficile. Totalement négligé depuis des décennies, il n’y avait pourtant pas moyen d’y pénétrer. Nous y essayant plusieurs fois, nous découvrîmes enfin un accès. Une fois à l’intérieur, nous restâmes bouche bée ! Tout y était encore en place, jusqu’aux bouteilles de parfum dans la salle de bain. La pièce centrale, de plan circulaire, était vraiment magnifique !
Ce lieu était tellement bien préservé à l’intérieur (l’extérieur était par contre totalement ravagé) que nous nous demandions s’il était vraiment abandonné. Évidemment qu’il l’était. Mais ce lieu avait un côté effrayant et nous n’y sommes plus jamais retourné.
Au début des années 2000, son sauvetage débutait. Le petit château était sauvé, j’en étais content.

img > Château Allart

Le Château Allart en 2003, lors de sa rénovation

img > Château Allart

La façade arrière du château

Château des Comtes
Ayant son origine au XVe siècle, ce fier manoir a eu une histoire très mouvementée.
Désaffecté mais restauré extérieurement dans les années 70, le vieux manoir sera pendant deux décennies le grand oublié de la Ville. Même les habitants s’en contrefoutaient et seuls quelques passionnés voulaient le défendre. Sur les barbelés fermant l’accès au site trônait une affiche indiquant « Château à sauver ».
Les granges du XVIIIe siècles avaient soit été démolies, soit elles s’étaient vues retiré leurs toitures. Inutiles de dire que les bâtiments ont beaucoup souffert. Quant au château, si la façade avait fier allure, l’intérieur en revanche avait été vandalisé d’une manière assez violente. Des décors en stuc, il ne restait que quelques vestiges. Plus de plafonds, plus de planchers, juste les poutres principales qui maintenaient les murs débout. Nous nous amusions à l’époque à marcher sur ces poutres, à 5 ou 6 mètres du sol. La peur est inconnue à 15 ans.
Nous faisions aussi tout notre possible pour entraver l’accès à notre château préféré. Ainsi, nous récupérions le plus de bois possible pour monter des jambes de forces contre les portes et volets de fenêtre. Nous avions notre accès secret et il n’était pas question que des intrus viennent s’approprier notre butin.
Hélas, en 1994 ou 1995, des connards ont réussi à entrer et à y bouter le feu. Toute la charpente disparut et une reconstruction catastrophique eu lieu. Depuis, le château est en mal de stabilité et des équerres ont été placées pour éviter tout effondrement. Quant aux granges, elles ont été modernisées (autrement dit massacrées) et prolongées par un magnifique bâtiment en béton. C’est moderne donc c’est beau. Et si vous pensez différemment, vous n’êtes qu’un con !

img > Château des Comtes

Le Château des Comtes à son apogée

img > Château des Comtes

Le même château, ou plutôt ce qu'il en reste...

Monastère Notre-Dame-des-Anges
Un lieu totalement tombé dans l’oubli depuis sa démolition au milieu des années 90. Situé à côté de l’ancienne gare de Néchin, le monastère (ensuite reconvertie en pensionnat) avait été déjà grandement amputé lors de notre visite. Depuis longtemps, il ne restait plus que l’immense chapelle ruinée. De partout, on ne voyait qu’elle, tellement elle était imposante.
Une exploration qui m’était totalement sortie de la tête. Il faut dire que nous ne l’avions visité qu’une seule fois et le seul souvenir tangible que j’ai pu en garder est une belle déchirure sur une veste que j’appréciais particulièrement.
Cette déchirure avait été causé par l’état exécrable de la chapelle. Si les façades étaient encore intactes, la toiture et les sols n’étaient plus que ruine. Néanmoins, à l’intérieur, la majesté du lieu était restée entière.
Malheureusement, la démolition intervenait peu de temps après notre visite et seule la tourelle d’escalier restera debout encore quelques mois. Depuis, plus rien. Il reste bien quelques bâtiments annexes en front de rue mais le terrain autrefois occupé par le monastère et sa grandiose chapelle sont restés vierges de toute nouvelle construction.

img > Monastère Notre-Dame-des-Anges

La vaste chapelle visible sur la droite.
Le reste du complexe avait déjà été rasé depuis longtemps.

img > Monastère Notre-Dame-des-Anges

L’entrée du monastère, sise Rue de la Station.
Le long bâtiment en arrière-plan existe encore.

Détail amusant : l’emplacement de la chapelle est toujours représenté sur Google Maps™, près de 30 ans après sa démolition.

Collège de la Salle
Ma dernière exploration de ma période « pré-urbex », celle-ci devant remonter à 1998.
Le Collège de la Salle est un immense site construit en 1907 et abandonné en 1985. Un premier incendie mettra à mal le bâtiment vers 1995 mais il pouvait encore être visité. Cette unique visite sera expéditive et je me suis contenté de visiter uniquement l’aile centrale. Pourquoi ? Je ne sais plus.
Plus tard, un nouvel incendie d’une bien plus grande ampleur détruisit tout l’intérieur ainsi que les toitures en 2003, seule la chapelle ayant survécu.
Depuis, le bâtiment a été acquis par plusieurs promoteurs immobiliers véreux et à chaque fois, des travaux sont entamés avant d’être arrêtés par la justice (fraudes, travailleurs illégaux, non-respect des plans, etc.). Le bâtiment présente aujourd’hui un visage pathétique.
Quel est son avenir ? Nul ne le sait.

img > Collège de la Salle

Le Collège de la Salle au temps de sa splendeur

img > Collège de la Salle

L’état du bâtiment de nos jours...

C’est tout pour ces évocations de mes plus anciens souvenirs d’exploration urbaine.
Il me faudra plusieurs années pour redécouvrir l’urbex, dans un premier temps, à travers Internet en 2004, et la fin de cette même décennie en refoulant les friches avec la visite de la Fonderie Giot en 2009 et l’Asile 666 en 2011.

img > Fonderie Giot

Visitez la Fonderie Giot

img > Asile 666

Visitez l’Asile 666



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